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novembro 15, 2005
Rosângela en boucle por Hervé Gauville no Libération
Rosângela en boucle por Hervé Gauville no Libération
Matéria originalmente publicada no jornal Libération, Quotidien, em 10 de novembro de 2005, Paris.
Si tous les garçons s'appellent Patrick, toutes les filles s'appellent Rosângela. Pourvu qu'elles soient brésiliennes et acceptent le patronage de l'artiste Rosângela Rennó. Cette dernière a eu l'idée d'emprunter leur identité à des femmes prénommées Rosângela (il y en a autant au Brésil que de Marie en France) pour en faire un long métrage, Espelho Diário, au détour duquel elle apparaît en conteuse d'histoires. L'image est emplie de son monologue.
Celle-ci est projetée sur un double écran plié à angle obtus, comme un livre ouvert qui tiendrait droit sur sa tranche. Chacune des deux «pages» fait office, tantôt de miroir pour son vis-à-vis et tantôt d'anticipation pour le récit. Composé comme un agenda, le film fait défiler des faits divers ayant impliqué l'une ou l'autre de ces Rosângela. Kidnapping, attentat, accouchement, ragots, les thèmes les plus divers sont abordés d'une seule voix.
Assise, debout ou allongée dans une baignoire, l'artiste change de tenue ou de décor en fonction de la narration, se filme en très gros plan ou en pied, plein cadre. Mais elle parle toujours sur le même ton, quel que soit le registre. A force de ne pas jouer, de refuser d'interpréter des rôles successifs, elle finit par incarner ses personnages de manière beaucoup plus convaincante que si elle essayait de s'adapter à la variété des situations.
Très vite, le doute naît sur cette valse des identités. On ne sait plus qui parle ou, plutôt, pour mimer une posture post-soixante-huitarde, «d'où ça parle». Car les récits ne sont pas livrés bruts de décoffrage dans cette langue de chiens écrasés (Espelho Diário est la traduction de Daily Mirror) qui enfile les clichés sur les lieux communs. Ils ont au contraire été recomposés, triturés, arrangés, tant et si bien qu'ils introduisent un nouvel écart entre langage parlé et texte écrit.
Le public peut s'en délecter en s'installant confortablement dans de gros poufs en vrac devant les écrans. L'avachissement des corps spectateurs est propice à la saisie de l'image de ce corps multiple qu'est devenue Rosângela Rennó se métamorphosant sans cesse, telle qu'en elle-même le ressassement du quotidien la change. Ainsi se perçoit la fausse éternité d'un calendrier parcouru au fil de petits ou moins petits drames. Le film effeuille l'éphéméride du quotidien brésilien.
En quoi ce dernier diffère-t-il du quotidien parisien ? A priori, en rien. Sauf, au détour d'une anecdote, un nom propre (Ayrton Senna) ou une violence qu'on imaginait réservée aux favelas mais que les banlieues parisiennes connaissent à leur tour.
Sobre a exposição Espelho Diário de Rosângela Rennó, no Festival d'automne à Paris - Brésil, brésils, de 19 de outubro a 14 de novembro de 2005, Passage du Désir, 85-87, rue du Faubourg-Saint-Martin, 10e, Paris, 33-1-5345-1717.